Ecole du Rouret dans les Alpes-Maritimes
La petite ville du Rouret, près de Grasse, dans les Alpes-Maritimes, qui compte 4100 habitants, organise chaque année une fête du livre. A cette occasion quelques auteurs sont invités à aller à la rencontre des élèves de l’école primaire.
C’est ainsi que j’ai répondu à l’invitation de 2 institutrices le 5 mai, pour présenter mon livre Paysannes sur la Côte d’Azur à une classe de CM1 puis de CM2.
Avec l’accord des enseignantes, j’en ai profité surtout pour présenter l’AEAP en racontant aux enfants la longue histoire des écrivains et artistes paysans autour de quelques axes :
- De tout temps l’homme en contact avec la nature l’a sublimée par l’art : gravures rupestres, sculptures, contes, chant.
- Jusqu’à la fin du XIXème s. le paysan était pourtant considéré souvent avec mépris comme un être rustre, inculte, ignorant.
« L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes ; ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racine : ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. » Jean de la Bruyère, Les Caractères (1688), De l’homme
- En 1881 et 82, les lois de Jules Ferry rendent l’école gratuite et obligatoire. Les enfants de paysans sont obligés d’apprendre à lire et à écrire, en plus de leur travail aux champs.
- 20 ans plus tard, un fils de paysans, Emile Guillaumin, écrit la biographie de son voisin, vieux paysan ayant toujours travaillé la terre. Le livre, intitulé La Vie d’un simple remporte un franc succès et il est nominé au Prix Goncourt.
- 40 ans plus tard, pendant la 2ème guerre mondiale, un fils de paysan, Jean Robinet, fait prisonnier et envoyé dans un camp de travail en Allemagne, nostalgique de son village, se met à écrire sur des cartons d’emballage. Le soir il lit ses textes à ses codétenus qui boivent ses paroles avec émotion. Au retour il présentera Roman des chevaux de labour au concours d’écriture Sully-Olivier de Serre et obtiendra le premier prix.
- Jean Robinet, Emile Guillaumin et quelques autres écrivains paysans se rencontrent et décident de s’unir pour faire connaître leurs œuvres, boudées par le monde de l’édition habitué à promouvoir des intellectuels et non pas des manuels. Une première association se crée mais ne dure pas. Elle sera relancée en 1972 sous sa forme actuelle.
- Parmi les diverses manifestations de l’AEAP j’insiste sur le concours d’écriture que nous avons initié au lycée agricole de St-Maximin la Sainte Baume, en lisant 3 ou 4 poèmes.
L’intérêt de cet historique m’avait paru évident. Il s’agissait de montrer l’importance de l’école mais aussi de donner aux enfants confiance en eux-mêmes en leur montrant :
- Qu’il n’est pas nécessaire d’être un.e brillant.e élève pour savoir s’exprimer
- Que chacun.e a des choses à dire
- Que chaque vie est un roman susceptible de provoquer intérêt et émotion
- Qu’écrire n’est pas une corvée, ni une obligation, mais un plaisir
Puis j’ai dit quelques mots sur mon livre et sur le plaisir que j’avais pris à l’écrire.
Et j’ai répondu à leurs questions.
J’avoue que je ne m’attendais pas à un tel succès. Tous les bras se levaient en même temps. Plusieurs m’ont dit que cette histoire était passionnante et qu’ils allaient essayer d’écrire, eux aussi. Et leurs remerciements chaleureux furent très émouvants.
Faire sortir le paysan des clichés, donner une image positive de la ruralité, transmettre l’envie d’écrire, n’est-ce pas la vocation de notre association ?
Jacqueline Bellino
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