La mondialisation est un défi, avec ses risques,… et ses chances. C’est un carnaval au sens de Leonid Pliouchtch quand il a écrit « Dans le carnaval de l’histoire ». Par la création d’une association que nous avions en 1970 appelé Solagral (Solidarités dans l’agriculture et l’alimentation), j’ai d’une certaine manière essayé d’agir dans ce carnaval en tentant d’appliquer l’injonction du Siècle des Lumières, oser penser par soi-même, à notre repositionnement dans ce nouveau monde globalisé.
Le premier enseignement de mes aventures est le suivant : pour garder l’espoir dans l’avenir et ouvrir des perspectives, il ne faut pas sombrer dans le pessimisme et le catastrophisme, dans cette sinistrose qui a contaminé la France depuis bientôt trente ans. Oui le monde est dur, parfois effroyable, très souvent injuste et cruel, avec un futur incertain et de probables nouvelles horreurs. Mais pour survivre dignement, il faut faire face, et pour cela commencer par identifier le bon côté des choses et des évènements. Et c’est à partir de là que l’on peut construire.
Ce faisant et pour ce qui me concerne, je crois inscrire mes pas dans ceux des générations d’ancêtres qui ont échappé au servage pour être des hommes libres et pour progresser. Dans une période où il est de bon ton de gémir sur la disparition des paysanneries et les dangers de la mondialisation, la fidélité à certaines des valeurs de mes aïeux paysans me conduit avec un optimisme raisonné à essayer d’ouvrir des fenêtres sur le futur, un futur presque sans paysans, ou avec de nouvelles figures du paysan, mais avec les mêmes combats qui continuent : vivre libre, s’autoréaliser, assurer l’avenir de ses enfants, participer à l’amélioration du monde.
Une autre figure du paysan est en train de se redéfinir. Il me semble pour ma part qu’après les figures du paysan diffusées par l’intégrisme catholique, la 3ème République, le christianisme social de la JAC et de la revue « Paysan », nous voyons se dessiner une nouvelle figure: quelqu’un qui, parce qu’il travaille sur l’extraordinaire complexité du vivant, est un savant, un praticien de haut niveau, un artiste, un être humain accompli. Et ce peut être un paysan des villes ainsi que je l’ai découvert avec Louiza Boukharaeva dans nos enquêtes sur les collectifs de jardins de Russie et de l’Union européenne. Un paysan pour une partie de son temps, qui n’est plus attaché à la glèbe et peut exercer d’autres activités professionnelles, se déplacer dans l’espace. Le mot paysan désigne alors un ensemble de qualités qui forment un idéal-type. Certes, cette figure est un masque car la réalité est plus diversifiée que l’image. Mais elle nous invite à nous dépasser, à progresser, et ce faisant à contribuer à l’amélioration du monde.
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