Historique
Sortir les paysans de leur isolement en s’affirmant par l’écriture, traduire une mémoire entre tradition et modernité et la faire partager, tels sont les buts et la genèse de l’association des écrivains et artistes paysans. Quelques agriculteurs de métier, forts des bénéfices acquis de l’école républicaine et du syndicalisme agricole, héritiers du passé, se sont, en effet, inscrits dans cette trajectoire, qu’avaient tracée les Jacques Bonhomme, révoltés paysans, serfs, croquants, camisards, Rétif de la Bretonne où à une époque plus récente, Mistral et Giono.
Lucien Gachon, Daniel Halery, Emile Guillaumin, Pliléas Lebesque, Charles Bourgeois, Michel Maurette se rassemblent pour porter avec force les valeurs de la terre, se faisant «l’écho de la vie qui frémit et bruit en lui, autour de lui» écrira l’un d’eux, Lucien Gachon. Sous l’égide de Bourgeois, entouré de Guillaumin et Maurette, le «courrier des écrivains paysans» nait en 1946 mais n’a que peu de succès. Il faut attendre 1972 pour qu’une autre vague, acteurs et non plus simples observateurs de l’existence et des mœurs paysannes, reprenne cette idée de réunion d’écrivains, avec la ferme intention de donner sens et vie à cette littérature singulière et méconnue. Marius Noguès, Jean-Louis Quéreillahc, Jean Robinet, l’Abbé Granereau, Michel Maurette (encore plus passionné que jadis) et la toute jeune sociologue de l’époque, Rose-Marie Lagrave, sont de ceux-là.
Alors ces impertinents, du moins jugés comme tels par l’intelligentsia des écrivains chevronnés, parce qu’ils osaient manier la plume, vont donc s’immiscer par effraction dans ce monde de la littérature pour porter une autre image du paysan et de la paysannerie, pour faire partager leur expérience du tissu rural, dans lequel ils sont enracinés, et de la profession des champs, les faire connaître en allant à la rencontre du public des villes.
Ces écrivains vont s’unir, se rencontrer, rassembler, communiquer, échanger à travers une revue, «Le lien», une bibliothèque, maints salons à travers l’hexagone, se structurer et élargir leur périmètre et leur audience en réunissant autour d’eux d’autres messagers de la terre: musiciens, conteurs, peintres, sculpteurs, photographes. L’association devient alors celle que nous connaissons: «L’association des écrivains et artistes paysans, l’AEAP». Originaires de toutes les régions, ces écrivains et artistes qui se posent en paysans, non seulement parce qu’ils le sont pour la plupart d’entre eux mais parce qu’ils sont d’un pays, vont porter avec conviction la culture qui leur tient à cœur, qui fait leur quotidien, parfois leur raison d’exister, la culture «paysanne», créatrice des sociétés modernes.
Si l’histoire se veut la traduction fidèle d’hier, la source d’aujourd’hui, elle se doit d’ouvrir les voies du futur en impliquant et aidant les plus jeunes, écrivains ou artistes en herbe de nos établissements agricoles, qui, comme leurs aînés mais à leur manière, sont des amoureux de la terre, des terroirs, et de leurs hommes.
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